Vers une production d'hydrogène plus efficace

© EPFL/iStock (Petmal)
Des scientifiques de l’EPFL ont révélé les détails de la première étape cruciale de la réaction de dégagement de l’oxygène. Cet obstacle à la production d’hydrogène propre a été levé à l’aide de simulations avancées et de techniques d’apprentissage machine.
Dans l’éventail des sources d’énergie plus propres, l’hydrogène se démarque, car il peut stocker et fournir de l’énergie sans produire d’émissions de carbone, la combustion de l’hydrogène n’émettant que de l’eau. Il se présente du fait comme l’un des combustibles les plus propres disponibles.
Une des façons de produire de l’hydrogène est la «scission de l’eau». Il s’agit d’un processus qui décompose l’eau en hydrogène et en oxygène à l’aide de la lumière du soleil. La scission de l’eau rendrait l’hydrogène largement abondant, mais, malgré des décennies de recherche, elle est encore trop inefficace.
Un obstacle à la production d’hydrogène
Le principal coupable est la réaction de dégagement de l’oxygène (OER), l’étape de scission de l’eau où l’oxygène gazeux est produit en éliminant les électrons et les protons des molécules d’eau. L’OER limite la vitesse de scission de l’eau, et c’est à ce niveau que des scientifiques tentent d’améliorer l’efficacité du processus.
L’OER a lieu à l’interface entre un matériau absorbant la lumière, comme le vanadate de bismuth (BiVO4) et l’eau, et il est notoirement lent. Au cours de la réaction, le BiVO4 aide à extraire les électrons et les protons des molécules d’eau, qui produisent de l’oxygène gazeux. En d’autres termes, le BiVO4 est la surface «essentielle» où a lieu cette étape cruciale et lente.
L’étape clé: le transfert couplé électron-proton
L’étape initiale a toujours posé problème: déplacer un proton et un électron de manière coordonnée – un processus appelé transfert couplé électron-proton (PCET). Dans ce processus, un proton et un électron se déplacent de concert pour aider à séparer les molécules d’eau, ce qui en fait une étape clé dans la production d’hydrogène et d’oxygène.
Malgré les progrès réalisés dans la compréhension de la thermodynamique du PCET, il a été difficile d’en déterminer le mécanisme exact. Les études passées ont souvent négligé le mouvement chaotique des molécules d’eau à la surface du BiVO4 ou se sont appuyées sur des méthodes qui n’atteignaient pas le temps ou la précision nécessaires. Le fonctionnement précis du BiVO4 et la manière de l’améliorer restaient jusqu’à présent obscurs.
Des simulations avancées révélatrices
Deux chercheurs de l’EPFL, Yong-Bin Zhuang et Alfredo Pasquarello, lèvent aujourd’hui le voile. En combinant des simulations de dynamique moléculaire à longue échelle de temps avec des potentiels d’apprentissage automatique (algorithmes entraînés à imiter des calculs quantiques de haut niveau), les scientifiques ont capturé l’ensemble des déplacements des atomes et des électrons à l’interface BiVO4-eau. En se concentrant sur la toute première étape de l’OER, l’événement PCET initial, ils ont constaté que le proton se déplace en premier, suivi de l’électron, et que cette séquence détermine le rythme de la réaction.
L’équipe a créé un modèle atomique détaillé de l’interface BiVO4-eau et a utilisé l’apprentissage automatique pour prédire les forces entre les atomes avec une grande précision. Cela leur a permis d’exécuter des simulations beaucoup plus longues qu’avec les calculs quantiques standard – assez longtemps (jusqu’à 30 nanosecondes) pour obtenir des résultats stables et convergents et échantillonner des centaines de milliers de configurations atomiques.
En suivant attentivement des variables clés, telles que la position du proton et l’emplacement du «trou» (l’absence d’un électron), les chercheurs ont pu observer l’ensemble du processus PCET. Ils ont aussi utilisé plusieurs modèles d’apprentissage automatique entraînés de manière indépendante pour garantir la fiabilité de leurs résultats.
Qu’est-ce qui ralentit la production d’hydrogène?
Les simulations ont révélé un élément important: l’étape la plus lente et déterminante de la vitesse est le transfert direct d’un proton d’une molécule d’eau adsorbée sur la surface du BiVO4 à un atome d’oxygène voisin sur la surface. L’électron (ou «trou») ne saute vers son nouveau site qu’après que le proton s’est déplacé. L’étude a également montré que ce transfert direct de proton, plutôt qu’une voie indirecte impliquant des molécules d’eau supplémentaires, domine le processus. Cette observation est en accord avec des expériences récentes qui ont montré que le transfert de proton était l’obstacle de la réaction.
Sachant que le transfert de proton limite la réaction, les scientifiques peuvent désormais se concentrer sur la recherche des moyens d’accélérer cette étape spécifique, par exemple en modifiant la surface du BiVO4 ou en utilisant des additifs pour stabiliser des structures clés. L’étude établit en outre un nouveau standard pour la simulation de réactions complexes aux interfaces, montrant que l’apprentissage automatique peut combler l’écart entre la précision et le coût de calcul.
Swiss National Supercomputing Centre (CSCS)
Yong-Bin Zhuang, Alfredo Pasquarello. Mechanism of first proton-coupled electron transfer of water oxidation at the mathematical equation–water interface. Angewandte Chemie – International Edition, 24 mai 2025. DOI: 10.1002/anie.202507071