Promouvoir le réemploi, d'un dépôt de tram à la Triennale de Bex

Les abat-jour dessinés par l'EPFL et farbiqués à partir de PET recyclé. © Tiago P. Borges

Les abat-jour dessinés par l'EPFL et farbiqués à partir de PET recyclé. © Tiago P. Borges

L’éclairage et les lieux d’aisance de la Triennale de sculpture Bex & Art, du 22 juin au 18 octobre, montrent les avantages du réemploi de matériaux grâce à l’initiative du laboratoire EAST de l’EPFL. Etudiantes et étudiants ont aussi reconverti un ancien dépôt de tram à Berne.

Des lavabos «années 80», des portes et des appliques issues de l’ancienne garderie de l’EPFL et des abat-jour en plastique recyclé. Voici ce qui attend cette année les visiteurs qui entreront dans la buvette de la Triennale de sculpture de Bex & Arts. Le laboratoire EAST de l’EPFL est à l’origine de cette revalorisation de matériaux. Son but? Sensibiliser le public au potentiel du réemploi dans le domaine de la construction et du design. Ça tombe bien, l’événement culturel, prévu du 22 juin au 18 octobre 2020, se focalise cette année sur la thématique de l’industrialisation, interrogeant la révolution numérique et l’urgence écologique à travers l’exposition en plein air d’une trentaine d’artistes actifs dans la sculpture monumentale, l’installation et le Land art.

La cabine de toilette. © Tiago P. Borges

C’est une tradition: Anja et Martin Fröhlich, directeurs du laboratoire EAST, amènent chaque année leurs étudiantes et étudiants de bachelor en architecture à imaginer, puis à construire de leurs mains un pavillon à taille réelle. Ces constructions, conçues selon les principes de l’économie circulaire, se composent de matériaux issus de la démolition d’un bâtiment. Chaque élément aura été préalablement évalué par les étudiants pour son potentiel de réemploi (voir articles en lien). À travers ce programme d’enseignement, l’EPFL tient à sensibiliser les futurs architectes à l’importance de limiter l’impact de la construction sur l’environnement, tout en les invitant à être créatifs et proactifs.

De Berne à Bex
Cette année, les étudiantes et étudiants ont planché au premier semestre sur la réhabilitation d’un dépôt de tram bernois, le «Burgernziel Alter». L’entreprise générale Losinger-Marazzi a facilité l’accès de l’EPFL au site et présenté les enjeux du projet, offrant ainsi un aperçu de la pratique et du travail de terrain.

La majestueuse halle du Burgernziel Alter, avec un squelette en acier préfabriqué, et ses briques, qui ont l’avantage de conserver leurs propriétés mécaniques, ont ainsi fait l’objet de plusieurs projets de réemplois au second semestre: un nouveau bâtiment dédié à l’enseignement à l’EPFL, avec des piliers dont l’assemblage de briques propose plusieurs qualités structurelles et esthétiques; une nouvelle typologie de serre climatique pour le Jardin botanique de Genève, utilisant la brique pour filtrer, stocker puis faire rayonner la chaleur du soleil; un bâtiment temporaire à Thun, avec des modules de façade amovibles et utilisables pour reconfigurer l’espace intérieur et offrir plusieurs aménagements possibles. Les étudiants ont aussi conçu un centre de valorisation de matériaux de réemploi à Lausanne, avec une façade courbe travaillée en relief, et un pavillon de plantes pour l’Arboretum de Zurich, dont les plafonds voutés offrent des qualités spatiales intérieures particulières aux visiteurs.

Les étudiants de bachelor pensaient pouvoir concrétiser en partie leurs idées ce printemps. En raison de la crise sanitaire, les projets resteront sous forme numérique. «Il a fallu mettre en place des plans alternatifs en gardant comme message la transition vers une architecture durable et engagée. Cette année était une leçon de persévérance pour nous tous, enseignants et étudiants, commente Tiago P. Borges, chercheur et membre du laboratoire. Nous avons donc essayé de développer un projet qui reflète nos valeurs malgré tout!»


Buvette réaménagée
C’est ainsi que le laboratoire EAST a pu aménager la nouvelle buvette de la Triennale Bex & Arts, située dans la grange du Parc de Szilassy. Un projet parallèle qui a pu être réalisé malgré les limitations d’une année académique particulière, et rendu possible grâce au soutien du Canton de Vaud – propriétaire du bâtiment – via sa Direction générale des immeubles et du patrimoine.

Chercheurs et étudiants ont d’abord récupéré les lavabos d’une ancienne villa vaudoise via la Fondation Protravail et des portes et des appliques de l’ancienne garderie de l’EPFL. Ils se sont ensuite associés à l’atelier La Porch, fondée par des alumnis de l’EPFL, afin de développer des solutions liées à la fabrication digitale et produire des cloisons en bois aisément démontables.

Le résultat? Trois cabines de toilettes transportables et réutilisables, bien plus convaincantes que leurs équivalentes mobiles en plastique souvent rencontrées lors des manifestations estivales. L’éclairage de la buvette répond aux mêmes exigences de réemploi: l’équipe a développé un template d’abat-jour imprimable en 3D et issu de PET recyclé. Des dépliants signés par l’EPFL permettront au public de connaître l’histoire de ces objets et le message de durabilité qu’ils véhiculent.

«Le projet reste bien sûr modeste, souligne Tiago P. Borges. Notre intervention vise toutefois appliquer des pistes de recherche à un cas concret et à interroger les visiteurs sur l’importance de changer de paradigme: si l’économie circulaire et le réemploi fonctionnent avec de tels projets, quel impact auraient-ils sur nos vies, une fois développés à large échelle?»

A méditer cet été, du côté de Bex.

L'entrée de la buvette de la Triennale de Bex & Arts. © Tiago P. Borges