L'avenir des régions européennes passe par la "Smart Specialisation"

Europe de nuit © NASA
Comment aider les régions à reconnaître leurs atouts et à mettre en avant leur propre stratégie ? Les chercheurs de l’EPFL ont développé un outil qui leur ouvre les portes d’une économie différente.
En 1796, Pierre-Hyacinthe Caseaux, cloutier à Morez dans le Jura français, a l'idée d'employer le fil de fer pour fabriquer la monture d'une paire de lunettes. C’est un marché en plein essor: il construit une manufacture, d’autres artisans le suivent, puis c’est au tour de l’Etat de bâtir une école. Morez devient bientôt la capitale mondiale de la lunetterie. « Ce que le maître-cloutier et sa région avaient appliqué intuitivement, c’était déjà de la ”Smart Specialisation” » explique Dominique Foray qui dirige, the Chair of Economics and Management of Innovation (CEMI) à l’EPFL. «Aujourd’hui, l’arc lémanique montre un exemple réussi de ce que peut faire en recherche et développement une région, notamment dans l’instrumentation médicale et les sciences de la vie. En revanche, la Suisse possède quelques gros secteurs pas “smart” du tout , notamment le tourisme qui est très faible en R&D et en innovation, alors que les besoins sont immenses,» fait remarquer le professeur.
L’économie de la connaissance
Le professeur Foray a développé le concept de la « Smart Specialisation » dans le cadre d’un groupe de travail mandaté en 2005 par la Commission européenne. Il s’agissait de parer au déficit en recherche et innovation de l’UE. Son constat : l’Europe apparait fragmentée, manquant de vision. Les régions et les pays ont tendance à penser leur futur de manière similaire. « En voyageant à travers l’Europe, on a remarqué que tous voulaient exhiber leur centre de technologique et de l’innovation, bio, nano, info, éco… sans s’occuper de leurs atouts, ni des faits et gestes de leurs voisins, sans véritable corrélation entre recherche publique, privée et spécialisation économique. » Aux Etats-Unis ce problème existe aussi. Tandis que certaines régions ont créé des centres de compétences mondiaux, beaucoup d’autres ont lâché prise ; elles n’ont pas en leur possession toutes les pièces du puzzle et assistent impuissantes, à la fuite des cerveaux. L’économie de la connaissance est donc un équilibre à trouver entre formation, recherche et stratégie entrepreneuriale et industrielle.
Prix FutuRIS
La spécialisation n’est pas synonyme de monoculture qui pourrait engendrer une incapacité à avancer. Elle doit rester connectée à d’autres domaines qui l’empêcheront de s’essouffler: « choisissez la partie de la forêt la plus dense pour pouvoir passer de branches en branches. » Ce conseil très pragmatique permet de garder toutes les options ouvertes.
Un concept qui est devenu un élément central de la stratégie européenne pour 2020. De son côté, la Commission européenne a mis en place une plate-forme de services dédiés aux régions qui désirent formuler et mettre en œuvre leur stratégie de spécialisation intelligente. La spécialisation intelligente pourrait même devenir une condition pour l’obtention des si importants fonds structurels. L’article du professeur Foray « La spécialisation intelligente : du concept académique à l’instrument de politique d’innovation européenne » qui vise à clarifier et à développer le concept, a remporté le prix FutuRIS 2011.