Des scientifiques créent le premier biocapteur auto-éclairant

Une métasurface de nanofils d'or stimule l'émission de lumière quantique et concentre les ondes lumineuses résultantes pour détecter les biomolécules. 2025 Ella Maru Studio/BIOS EPFL CC BY SA 4.0

Une métasurface de nanofils d'or stimule l'émission de lumière quantique et concentre les ondes lumineuses résultantes pour détecter les biomolécules. 2025 Ella Maru Studio/BIOS EPFL CC BY SA 4.0

Des ingénieurs de l’EPFL ont eu recours à la physique quantique pour détecter la présence de biomolécules sans faire appel à une source de lumière externe, surmontant un obstacle important à l’utilisation de biocapteurs optiques dans les domaines de la santé et de la surveillance environnementale.

Les biocapteurs optiques utilisent des ondes lumineuses comme sonde pour détecter des molécules. Ils sont essentiels pour établir des diagnostics de soins personnalisés et garantir la surveillance de l’environnement. Leurs performances sont considérablement améliorées s’ils peuvent focaliser des ondes lumineuses à l’échelle nanométrique – suffisamment petites pour détecter des protéines ou des acides aminés, par exemple – à l’aide de structures nanophotoniques qui «compriment» la lumière à la surface d’une petite puce. Mais la génération et la détection de lumière pour ces biocapteurs nanophotoniques nécessitent des équipements encombrants et coûteux qui limitent grandement leur utilisation dans le cadre de diagnostics rapides ou dans les centres de soins.

Alors, comment fabriquer un biocapteur basé sur la lumière sans source de lumière extérieure? Avec la physique quantique. En exploitant un phénomène quantique appelé tunnel inélastique des électrons, des scientifiques du Laboratoire de systèmes bionanophotoniques de la Faculté des sciences et techniques de l’ingénieur de l’EPFL ont créé un biocapteur qui ne nécessite qu’un flux constant d’électrons – sous la forme d’une tension électrique appliquée – pour éclairer et détecter simultanément des molécules.

«Si vous considérez un électron comme une onde, plutôt que comme une particule, cette onde a une faible probabilité de transition par effet de tunnel de l’autre côté d’une barrière isolante extrêmement mince tout en émettant un photon de lumière. Ce que nous avons fait, c’est créer une nanostructure qui à la fois fait partie de cette barrière isolante et augmente la probabilité d’émission de lumière», explique Mikhail Masharin, chercheur au Laboratoire de systèmes bionanophotoniques.

Détection du trillionième de gramme

En bref, la conception de la nanostructure de l’équipe crée les conditions idéales pour qu’un électron traverse une barrière d’oxyde d’aluminium et arrive à une couche d’or ultra-mince. Dans ce processus, l’électron transfère une partie de son énergie à une excitation collective appelée plasmon, qui émet alors un photon. Cette conception garantit que l’intensité et le spectre de cette lumière changent en réponse au contact avec des biomolécules, ce qui donne une méthode performante pour une détection extrêmement sensible, en temps réel et sans marqueur.

À gauche : comparaison de l'émission de lumière par la métasurface lorsqu'elle est recouverte d'un polymère (cadre orange) et sans polymère (cadre vert). À droite : Comparaison de l'émission de lumière de la métasurface lorsqu'elle est partiellement recouverte d'un acide aminé, l'alanine (cadre noir), par rapport à l'absence d'alanine (cadre vert).

«Les tests ont montré que notre biocapteur auto-éclairant peut détecter les acides aminés et les polymères à des concentrations de l’ordre du picogramme – soit un trillionième de gramme – rivalisant avec les capteurs les plus avancés disponibles aujourd’hui», indique Hatice Altug, responsable du Laboratoire de systèmes bionanophotoniques.

Ces travaux ont été publiés dans Nature Photonics en collaboration avec des scientifiques de l’ETH Zurich, de l’ICFO (Espagne) et de l’Université Yonsei (Corée).

Une métasurface à double usage

Au cœur de l’innovation de l’équipe se trouve une double fonctionnalité: la couche d’or de la nanostructure est une métasurface, ce qui signifie qu’elle présente des propriétés spéciales qui créent les conditions d’un tunnel quantique et commandent l’émission lumineuse qui en résulte. Cette commande est rendue possible grâce à la disposition de la métasurface en un maillage de nanofils d’or, qui agissent comme des «nanoantennes» pour concentrer la lumière aux volumes nanométriques requis pour détecter efficacement les biomolécules.

«Le tunnel inélastique des électrons est un processus à très faible probabilité, mais si vous avez un processus à faible probabilité qui se produit uniformément sur une très grande surface, vous pouvez toujours collecter suffisamment de photons. C’est là que nous avons concentré notre optimisation, et cela s’avère être une nouvelle stratégie très prometteuse pour la biodétection», explique Jihye Lee, principale autrice et ancienne chercheuse au Laboratoire de systèmes bionanophotoniques aujourd’hui ingénieure chez Samsung Electronics.

Avec des applications potentielles allant des diagnostics hors laboratoire à la détection des contaminants environnementaux, cette technologie repousse les limites en matière de systèmes de détection haute performance

Ivan Sinev, chercheur au Laboratoire de systèmes bionanophotoniques

En plus d’être compacte et sensible, la plateforme quantique de l’équipe, fabriquée au Centre de micronanotechnologie de l’EPFL, est évolutive et compatible avec les méthodes de fabrication de capteurs. Moins d’un millimètre carré de surface active est requise pour la détection, ce qui crée une possibilité intéressante pour les biocapteurs portatifs, contrairement aux installations de table actuelles.

«Notre travail fournit un capteur entièrement intégré qui combine la génération de lumière et la détection sur une seule puce. Avec des applications potentielles allant des diagnostics hors laboratoire à la détection des contaminants environnementaux, cette technologie repousse les limites en matière de systèmes de détection haute performance», résume Ivan Sinev, chercheur au Laboratoire de systèmes bionanophotoniques.

Références

Plasmonic biosensor enabled by resonant quantum tunnelling. Nature Photonics. https://www.nature.com/articles/s41566-025-01708-y


Auteur: Celia Luterbacher

Source: EPFL

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