Un nouveau circuit identifié dans le système de récompense

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Grâce à l’optogénétique, les chercheurs des groupes de Christian Lüscher et de Dominique Muller ont pu mettre en évidence et voir fonctionner un nouveau circuit entre l’aire tegmentale ventrale et le noyau accumbens. Il joue un rôle dans les mécanismes d’apprentissage et de motivation, souligne l’article publié dans Nature le 24 novembre.

Que se passe-t-il dans le cerveau lorsque l’on fait une nouvelle bonne expérience? Quand un dessert nous séduit par exemple, un sport nous enthousiasme ou une personne nous fait chavirer le cœur? En plein centre du cerveau, l’aire tegmentale ventrale (VTA) s’active et les neurones dopaminergiques projettent et libèrent de la dopamine, un peu plus loin, dans le noyau accumbens (NAc). Ils envoient ainsi un signal d’apprentissage pour inciter l’individu à reproduire ce comportement aux effets positifs.

Jusqu’à présent, on pensait que ce système de récompense était dirigé exclusivement par les projections dopaminergiques. Grâce à une étroite collaboration, les groupes des professeurs Christian Lüscher et Dominique Muller, du Département des neurosciences fondamentales de l’UNIGE, ont mis en évidence l’existence d’un autre circuit de projection. Il s’opère entre les neurones GABAergiques de la VTA et les neurones cholinergiques du noyau accumbens, participant aussi au processus d’apprentissage d'une association entre un stimulus et sa conséquence positive ou négative.

Visible dans le vivant
Présents dans la VTA, les neurones GABAergiques ont un rôle bien connu d’inhibition de la production de dopamine. On savait aussi déjà qu’ils projetaient vers le NAc, mais on ignorait qui était leur partenaire. Résoudre l’énigme n’était pas gagnée d’avance: «Les cellules du noyau accumbens sont très uniformes et 95% d’entre elles ne reçoivent rien des cellules inhibitrices», souligne Christian Lüscher. Autant dire qu’il a fallu chercher une aiguille dans une botte de foin.

Pour identifier le mécanisme, les scientifiques ont combiné deux techniques sans lesquelles ils n’auraient rien pu conclure: l’observation au microscope électronique faite par le groupe du professeur Muller et l’optogénétique opérée par l’équipe du professeur Lüscher. «Nous avons pu ainsi non seulement visualiser la connexion anatomique mais aussi de tester sa fonctionnalité, précise Christian Lüscher. Par une approche optogénétique, on montre qu'une activation directe de cette projection facilite l'apprentissage». En d’autres termes, les chercheurs ont pu voir que cette connexion existait in vitro, in vivo mais aussi la voir fonctionner chez l’animal vivant. Ces résultats «extrêmement solides» ont été publiés dans la revue Nature du 25 novembre.

«Il convient maintenant d’ajouter le nouveau circuit dans les schémas anatomiques», conclut Dominique Muller. Plus largement, il s’agit aussi de voir si ce nouveau circuit, qui reconnaît donc la relevance motivationelle d'un stimulus, joue un rôle important dans diverses maladies neuropsychiatriques dont notamment les états d'anxiété ou les comportements addictifs.

M. T. C. Brown, K. R. Tan, E. C. O’Connor, I. Nikonenko, D. Muller et C. Lüscher, Ventral tegmental area GABA projections pause accumbal cholinergic interneurons to enhance associative learning, in Nature (2012).